Socio, psyho, philo à l'école - Société - Discussions
Marsh Posté le 13-02-2008 à 07:29:46
Bonjour,
je suis pour une large base du tronc commun (initiation à toute les matières)
D'ailleurs, les enfant ce moque de ce que vous souhaitez leur apprendre ; Ils apprennent ce qu'ils veulent. Alors autant leur enseigner.
Que ce soit la psycho, les maths, la mécanique, ou simplement l'expérience du constat de la mesure expérimental, répondons aux besoins de nos enfants en étant à leur écoute.
Marsh Posté le 13-02-2008 à 07:45:58
henri-alexandre a écrit : Par exemple : introduire la sociologie et la philosophie dès la 6e et la psychologie dès la 4e. |
C'est le contraire de ce qu'il faut faire.
Il faut enseigner moins de matières, et s'assurer de nouveaux que les fondamentaux (grammaire, etc) sont connus à la fin du primaire.
Arrêter d'abrutir les elèves avec des matières multiples et foireuses (psychologie ), leur laisser plus de temps libre (sport, etc).
Marsh Posté le 13-02-2008 à 08:03:47
Si je devais réformer l'enseignement, j'insisterai sur les contenus pratiques directement utiles à tous dans la vie de tous les jours (mécanique, cuisine, couture, etc), sur les disciplines artistiques (cinéma, musique, etc) et sur une forme d'enseignement plus vivante.
A mon avis, il y a bien plus de chances d'intéresser les jeunes à la science en leur parlant d'anecdotes et de cas concrets dans leur vie (comment changer une ampoule, etc) qu'en leur faisant équilibrer des équations de réaction.
Cette théorie déconnectée de la réalité et inutile donne parfois l'impression que les programmes sont faits pour désintéresser les élèves d'une matière. Et au final, en sortant de l'école, on connaît le système nerveux d'une truite mais on a jamais changé une roue. Certains ne savent même pas qu'il faut mettre un préservatif. D'autres encore, après 7 ans d'Anglais, sont incapables de demander l'heure.
Concernant la philosophie, je pense également qu'il faut l'enseigner beaucoup plus tôt. C'est une matière qui apprend à réfléchir, qui fait transpirer du cerveau et tel est le but de l'école. L'école ne doit pas servir à inculquer un savoir académique, surtout à l'ère où une encyclopédie tient sur une clé USB.
La psychologie est fascinante également. Je préfèrerais que les élèves acquièrent un sens critique et une réflexion que des connaissances.
Marsh Posté le 13-02-2008 à 08:38:22
Fructidor a écrit : |
Le droit est-il une matière fondamentale ?
Marsh Posté le 13-02-2008 à 09:35:29
Fructidor a écrit : |
Il n'a pas parlé de la primaire à ce que je sache. Ce qui est surtout regrettable, c'est l'orientation quasi systématique des bons élèves en classe scientifique, la filière littéraire devenant une voie de relégation. En passant une petite pique sur le contenu des cours de Français du lycée : je trouve que les exercices répétitifs qui sont demandés aux élèves (repérer des figures de styles, etc.) qui devraient servir à dégager le sens d'un texte voient leur objectif dévoyé par le bac de français, où finalement la compréhension du sens est sous-évaluée. Quel dommage de ne pas commencer la philosophie plus tôt, qui est une formation à la méthodologie excellente et permettrait d'ouvrir plus tôt à une culture humaniste.
Je prêche un peu pour ma paroisse (je n'ai pas fais le choix de cette formation pour rien), mais elle me semblerait des plus enrichissantes une fois la maîtrise de la langue acquise.
Marsh Posté le 13-02-2008 à 09:37:36
Tout à fait
La philo me gonflait au lycée et c'est maintenant que je trouve ça intéressant....
Mais c'est vrai que c'est dommage de n'en faire que 2 ans en fin de parcours.
Au niveau des langues comme a dit un de plus il y a un vrai problème, enseignement trop basé sur des textes et pas assez sur du parler?
Personellement j'ai plus appris en regardant des films en Vo qu'en cours d'anglais au lycée (prof calamiteuse aussi)
'vec les d'voirs à la maison
J'fais ma s'maine de soixante heures,
Non seul'ment pour pas un rond
Mais en plus pour finir chômeur!
Veulent me gaver comme une oie
'vec des matières indigestes,
J'aurais oublié tout ça
Quand j'aurai appris tout l'reste,
Que pensez vous du système allemand?
cours le matin (jusqu'à 13 h il me semble) et temps libre l'après midi pour la pratique d'un sport ou pour avoir un job.
Bon évidemment ça rentre pas trop dans l'optique de travailler + pour gagner +...
Pour le sport sinon il faudrait selon moi intégrer une formation à l'autodéfense, une base en arts martiaux, ça dévellope le corps et l'esprit en donnant une bonne mentalité et meilleure confiance en soi tout en permettant à chacun d'avoir une base en cas de problème.
Donner de façon obligatoire plusieurs formation de premier secours au lycée aussi.
Marsh Posté le 13-02-2008 à 09:38:17
Fructidor a écrit : |
La psychologie pour un enfant de 6ème, ça me paraît un peu tôt.
Par contre la philo, ça pourrait tout à fait convenir. Faut que ce soit adapté à des enfants de 12 ans, mais je pense que ça pourrait être une très bonne chose de commencer dès cet âge-là.
Marsh Posté le 13-02-2008 à 11:50:53
henri-alexandre a écrit : 'lut |
D'une, les "études" n'ont jamais eu pour finalité (ou vocation si vous préferez) de donner un emploi : c'est une perversion du système éducatif tel qu'il existe de faire croire qu'il en est ainsi en droit. L'école est le lieu de la culture. Or, la culture constitue l'effort d’arrachement que l’homme poursuit sans cesse (pas seulement à l'école), sur le plan individuel et collectif (ces deux dimensions étant intimement imbriquée), par rapport à l’ensemble de ses déterminations animales, au moyen des institutions (le langage, le mythe, la religion, l’art, la science, l’histoire, la philosophie, etc…) et des réalités sociales. La culture recouvre tout ce par quoi l’homme s’affirme contre sa nature animale, la nie en exprimant par ses œuvres ce qui fait fondamentalement de lui un être humain : sa fonction symbolique. La culture est oeuvre d’humanisation par le pouvoir de négation de l’animalité qui s’exprime dans la fonction symbolique, constitutive de l’humain, elle-même rendue efficace par le pouvoir de signification du langage articulé.
Une unité d'action (et non d'essence) traverse donc la culture : sa propre fin ! En produisant un "animal social" (Aristote) dont la différence spécifique, par rapport aux sociétés animales, est de posséder une conscience individuelle par laquelle il peut s’identifier à la société qu’il reconnaît pour sienne et dont il respecte les règles, mais aussi et surtout la modifier, en cherchant à la fois à préserver ses oeuvres et à en produire de nouvelles contre la loi biologique de la non transmission héréditaire des caractères acquis, la culture manifeste qu’elle n’est autre que le processus de libération de soi de l’homme, la construction progressive par l’homme de son propre monde, un monde "idéal". L'école, comme lieu de la culture, trouve sa raison d'être dans cette finalité devant laquelle nous sommes tous égaux, malgré les différences qui séparent et opposent les hommes (de ce point de vue, il faut le dire dès à présent, "l’égalité de conditions", surtout à l'école, n’est pas une égalité naturelle, elle est conciliable avec une certaine inégalité : "l'égalitarisme", à l'école comme partout ailleurs, est une perversion de l'idéal démocratique !). Car il faut distinguer égalité et identité : l’égalité est un rapport de similitude ou d’équivalence entre deux entités et, par exemple, deux objets de même poids seront dit égaux, tout en étant différents. Pour les personnes, l’égalité signifiera donc l’équivalence considérée sous un angle déterminé : dans le processus de négation de la nature, par lequelle l’homme s’affirme comme "animal symbolique", produisant culturellement sa propre nature, les individus peuvent être dits "égaux" parce qu’ils sont du même rang, c’est-à-dire qu’ils occupent la même position ontologique ou métaphysique (si par "ontologique" on n’entend pas une unité substantielle de l’homme, mais une unité fonctionnelle) qui est comme la condition de possibilité de l’ensemble de la culture humaine. Cette égalité de l’homme dans le processus de la culture est donc d’abord une unité principielle, la condition de toutes les conditions. Elle ne concerne pas la "matière" de la culture (dont l’infinie diversité interdit justement toute réduction à un commun dénominateur, tout projet de synthèse anthropologique visant une justice universelle, c’est-à-dire une égalité stricte faisant des hommes des êtres identiques), ses effets ou ses produits (variables suivant les conditions humaines que sont la diversité des statuts sociaux et la pluralité des aspirations et des besoins humains : sur ce point il est normal d'adapter l'enseignement de la philosophie au public concerné, ne serait-ce qu'au niveau de l'horaire), mais sa "forme", c’est-à-dire l’unité de l’action (que seule une synthèse philosophique peut atteindre sans se contredire !), l’unité du procès créateur sur lequel repose la définition même de notre humanité, le sens de notre être compris comme "mode d’être au monde", comme activité fondamentale de dépassement de la nature (que se soit avec deux heures - TSTG - ou huit heures -TL -, l'exigence de réflexion reste la même).
Mais cette égalité métaphysique, même si elle ne se confond pas avec elle, rend possible une autre égalité, l’"égalité de conditions", c’est-à-dire une égalité à la fois limitée et pourtant essentielle. Limitée, car elle laisse subsister de grandes disparités dans la diversité des conditions humaines (et surtout à l'école : certains, prisonniers de leur système idéologique, renonceront très vite, d'autres, même dans une situation similaire, feront la différence et approfondiront leur réflexion), c’est-à-dire admet une certaine forme d’inégalité entre les hommes. Essentielle pourtant, car elle concerne notre être social, notre mode de vie, et les conditions de ce mode de vie, conditions dont la diversité même rend nécessaire l’unité d’une tâche fondamentale, celle qui va s’incarner dans l’institution du droit, c’est-à-dire dans la revendication d’une égalité posée comme un dû, un droit fondamental, inaliénable, et inscrit dans nos constitutions (le droit à disposer de soi par l'éducation, revendication "passionnée" de la philosophie). L’"égalité de conditions" est une égalité relative (à nos conditions de vie), contrairement à l’égalité métaphysique qui représente un "absolu" normatif. Elle est, comme son nom l’indique, "conditionnée" par notre environnement social et culturel, mais aussi encadrée et protégée, notamment par un système juridique et des garanties de toutes sortes. "Egalité métaphysique" et "égalité des conditions" permettent de définir la culture comme une unité dialectique, c’est-à-dire dynamique et non statique, comme une "coexistence des contraires", comme le résultat d’une lutte ou, mieux encore, d’une tension entre des forces contraires, au-delà donc de toute forme d’antagonisme rédhibitoire : dans le procès de la culture, les hommes ne sont jamais égaux à tous égards (ils ne sont pas identiques) et l’égalité sociale se conjugue de façon plus ou moins aléatoire avec l’inégalité. L’effort de culture, devant lequel nous sommes tous égaux métaphysiquement et moralement, produit donc des oeuvres, mais toujours selon une certaine combinaison d’égalité et d’inégalité, oeuvres qui deviennent elles-mêmes le support du travail de culture par lequel l’homme ne cesse de se transcender. La tension entre la culture comme fait ("l’égalité instituée", qui trouve sa formulation la plus nette dans les articles 1 et 6 de la déclaration des droits de l’homme de 1789, ou encore "l’égalité formelle", c’est-à-dire devant les lois : dans les deux cas, tout homme à droit à l'instruction) et la culture comme valeur ("l’égalité de principe" qu’une exigence spirituelle individuelle - la culture comme formation - nous pousse tous désormais à affirmer dans la lignée de Rousseau et de tous les philosophes du droit naturel : Hobbes, Locke, Grotius, etc…) est irréductible puisque ces deux significations sont indissociables : si se cultiver est un geste d’arrachement (et personne ne peut, ni à l'école, ni ailleurs, se substituer à la responsabilité individuelle de s'élever par une rupture avec le monde de l'idéologie...) entrepris par l’individu particulier par rapport à sa propre "nature", il reste pourtant un idéal intellectuel et moral qui, certes se fonde sur une égalité de principe, mais doit surtout composer avec certaines inégalités ou différences naturelles (l’intelligence, par exemple). Or, dans les faits, l’égalité de principe à laquelle accède l’individu soucieux de se cultiver, se heurte à une culture déjà donnée, déjà constituée, c’est-à-dire à une "égalité de conditions", partielle, relative, instituée par une société qui a choisit d’avaliser ces inégalités naturelles ou de les combattre. Il ne peut y avoir d’élévation spirituelle de soi dans l’ordre du sens et de l’idéalité, c’est-à-dire vers la compréhension humaniste d’une "égalité de principe" entre les hommes (fondée justement sur l'accés à la culture), qu’au moyen d’une "culture" pré-donnée, laquelle dans la réalité et malgré une "égalité proclamée" ne propose qu’une "égalité de conditions" qui laisse des hommes de condition sociale apparentée inégaux naturellement ou à de multiples égards, ou reconstitue les inégalités qu’elle abolit par ailleurs (c’est ce que montre Tocqueville dans De la démocratie en Amérique) ou, pire encore, perpétue, sous couvert d’un droit soi-disant égalitaire, un système ne bénéficiant qu’aux couches les plus favorisées de la population, même si globalement les Etats modernes cherchent à réduire ou tempérer ces inégalités naturelles et sociales par le biais des institutions protectrices ou régulatrices de leurs droits fondamentaux (accès à la culture par l’éducation justement).
Bref, ce que j'essaie de vous expliquer, c'est que la classe de philosophie (philosophie pratiquée en France dans toutes les classes de terminale, une quasi spécialité de notre pays en Europe) est précisément le lieu de cette culture comme formation de soi (Bildung), auto-réflexion libératrice. Mais, comme toute autre discipline scolaire, mais plus que toute autre discipline, la philosophie manifeste cette tension entre le fait et le droit. La culture, dans quelque domaine que ce soit, désigne l’effort fait par l’homme, sur le plan individuel et collectif, pour se détacher de son enracinement naturel, se développer et tenter de s’élever à sa plus haute perfection dans son humanité. La culture manifeste donc une dimension valorielle, intimement mêlée à sa dimension factuelle (qui semble souvent la contredire). Tel est le sens profond de la culture comme formation de l’esprit par lui-même. "Culture" et "civilisation" ont ici un sens très proche : l’effort de "culture" ("se cultiver" au sens de "se former" ) entrepris par chaque individu particulier, cette oeuvre de perfectionnement intellectuel et moral, contribue au développement collectif de l’humanité, à l’échelle de l’histoire universelle, c’est-à-dire à l’avènement de la "civilisation" entendue comme raffinement des moeurs. Se cultiver, au sens de s’élever à sa propre humanité par la négation de l’animalité, c’est accéder, dans l’ordre du savoir, de la conscience de soi, à des valeurs rationalistes et humanistes, à un idéal éthique fondamentalement paradoxal (à la fois devoir-être et non-être). Individuellement et collectivement, nous ne serons jamais égaux devant la philosophie, puisque toute élévation spirituelle s’opère au sein d’une culture pré-donnée, où une "égalité de principe" existe en droit mais jamais en fait ! L'"égalité de principe", défendue par la conscience cultivée, doit être posée en même temps comme un objectif à atteindre par la culture, aussi bien sur le plan individuel que collectif ! Autrement dit, l’idée (l’idéal) selon laquelle nous sommes égaux "par principe" (intellectuellement, moralement,...), ne dispense nullement d’oeuvrer pratiquement (c’est-à-dire aussi politiquement), par une sorte de négation-dépassement de cette même culture (ce qui est le sens de "l’aliénation" chez Hegel), pour le devenir aussi dans la réalité !
Si l’on entend par "culture" la "formation de soi" (Bildung), on est donc conduit à considérer, comme le fait Hegel dans sa Propédeutique philosophique (cf. § 41 et 42), que l’homme est à la fois une essence naturelle (il se comporte alors de façon arbitraire et fortuite, comme un être instable, subjectif, incapable de distinguer l’essentiel de l’inessentiel) et une essence spirituelle, raisonnable, et sous cet aspect, il n’est pas, de nature, ce qu’il doit être : du point de vue strict de la connaissance, il devra s’élever, du savoir particulier, au savoir universel, ce qui implique un dépassement de l’expérience immédiate, et une capacité à juger les relations et les objets constituant la réalité effective. Se cultiver signifie conférer à tout contenu la forme de l’universalité en produisant un effort de dégagement par rapport à la particularité du fait. Ce que Hegel appelle la culture "d’entendement" (cf. Encyclopédie des sciences philosophiques, La science de la logique, Add, § 80) consiste à introduire un ordre dans le chatoiement bigarrée du réel sensible, c’est-à-dire à dépasser la simple perception des objets dans leurs différences déterminées pour élever la pensée au concept. C’est bien cette compréhension des relations que les objets entretiennent les uns avec les autres qui ouvre l’esprit à l’universel, qui ne le borne plus à quelque chose de particulier, mais le rend "apte à tout". La culture ne peut se limiter à tel ou tel objet, mais s’étend, se propage à l’ensemble des intérêts et des activités qui font la vie d’un homme : elle n’est pas seulement le produit sédimenté des oeuvres de l’esprit, c’est-à-dire un état, mais le devenir d’un processus en cours (toujours en marche) dont le résultat est la formation elle-même (les buts qu’elle poursuit lui sont intérieurs). La condition d’une telle appropriation totale de la culture dans sa forme est, selon Hegel, un processus d’aliénation, c’est-à-dire de devenir-autre. La culture comme formation de soi est un processus d’"aliénation", c’est-à-dire d’extériorisation et de réintégration de soi, rendu nécessaire par cette autre aliénation dont les individus sont victimes dans les systèmes établis de la culture économique et politique : devenu étranger à lui-même par les conditions de vie ou de travail qui lui sont imposées, c’est par un processus inverse, c’est-à-dire par un effort de décentrement, de dégagement par rapport à la perspective finie de son point de vue, en quoi consiste précisément la culture, que l’individu aliéné pourra récupérer cette possession de soi qu’est la liberté. En ce sens, c’est bien la culture qui fait de nous des égaux puisque même simplement pensé, l’état d’aliénation (la prise de conscience de la différence entre le fait et le droit, de la dérive, inhérente à la démocratie, vers des inégalités, nées d’une exigence d’égalité totale, absolue) peut se changer en autre chose, et préparer les conditions de sa propre négation : l’esclave moderne qui se découvre soudainement esclave l’est déjà moins parce que dans cette distance avec lui-même qu’instaure sa conscience, se créer un espace de liberté, nourri par son désir, pas seulement rêveur et chimérique, mais actif puisqu'il débouche sur un projet de libération, se donne les moyens intellectuels de préparer sa libération effective future. La prise de conscience constitue en soi cette liberté intérieure qui est le commencement de la liberté au sens propre. C’est cette propriété de la culture qui explique le refus des régimes totalitaires d’offrir à ceux qu’ils exploitent l’éducation qui leur permettraient sans doute de prendre conscience de leur situation misérable. Le véritable esclavage est d’abord idéologique (le dominé l’est d’abord dans sa tête), et si la libération est souvent pensée comme un geste ample et simple, courageux mais tranchant, le grand refus qui, d’un coup, brise les chaînes, elle est en réalité et plus sûrement encore le travail lent et minutieux de détachement.
Tel est fondamentalement le rôle de l'école et, plus spécifiquement, celui de la philosophie ! Redisons-le de façon synthétique :
L'école est le lieu de la culture. Mais la culture est le "milieu" (au sens hégélien du terme) où se réalise le processus par lequel un individu, ou un peuple, voire l’humanité toute entière, parvient à s’élever dans l’ordre de la spiritualité. La culture désigne donc l’ensemble des efforts consentis pour se rapprocher de la réalisation effective et concrète d’une dimension d’humanité et celle-ci nécessite l’union de l’instruction (et son cortège de conditions factuelles) et de l’éducation (idéal rationaliste et humaniste), c’est-à-dire une relation dialectique entre la perspective finie du point de vue, la particularité subjective finie de l’opinion, même si celle-ci s’incarne dans la maîtrise spontané d’un savoir acquis et le pouvoir que ce savoir nous donne sur le monde et autrui (la culture est alors le résultat du processus de formation, elle est le produit sédimenté des oeuvres de l’esprit, c’est-à-dire un état) et l’universalité de la vérité, introuvable dans l’être-là concret des connaissances et des degrés de culture se succédant dans un milieu donné, mais aussi dans l’histoire, mais qui trouve sa propre condition de possibilité dans ce milieu de culture déjà donné, dans l’extériorité de la culture, au sens anthropologique, avec ses connaissances singulières, ses oeuvres culturelles constituées (la culture est alors un devenir-cultivé, la capacité acquise de rendre sa nature apte à tout, de revenir à soi, mais pas comme si de rien n’était, dans une sorte de fermeture sur soi, mais, bien au contraire, en s’ouvrant à ce qui n’est pas soi et en acceptant le choc de la rencontre avec ce qui nous excède).
Dans le problème qui vous occupe, il faut éviter à tout prix de séparer instruction et éducation ou d'y voir une simple progression linéaire ou chronologique depuis l’instruction ("simple" réception ou apprentissage de connaissances, c’est-à-dire d’objets culturels extérieurs à l’esprit) jusqu’à la culture comme idéal d’humanité, que traduit en français la notion de civilisation (Kultur), laquelle est justement liée à celle de progrès universel (celui de la raison elle-même), progrès qui donc ne s’accomplit pas seulement au sein d’un sujet par l’éducation, c’est-à-dire, conformément à la très judicieuse métaphore agricole (cf. Cicéron dans les Tusculanes, II, 13), selon laquelle il s’agit de prendre soin de soi (se rendre un culte, ce que traduit le latin cultura), comme on cultive la terre sans violence (ou avec une "violence" bienfaisante) pour la rendre féconde, sous la forme d’un processus intérieur et qualitatif de maturation intellectuelle et morale (la culture comme formation de soi par soi, chère à Hegel et que traduit le mot Bildung, formation qui implique toujours un travail de dépassement par la conscience des particularités culturelles, c’est-à-dire d’aliénation, d’extériorisation dans les oeuvres de l’esprit, travail s’accomplissant fondamentalement dans l’élément, lui-même culturel, du langage exotérique, seul capable de penser l’universel), distinct de toute préoccupation utilitaire et mondaine (propre à la Zivilisation), mais concerne la culture conçue comme patrimoine universel, c’est-à-dire comme développement de la nature humaine dans l’histoire (cf. Rousseau, Kant, Hegel). Cette notion de progrès, à la fois individuel et collectif, est totalement absente du terme allemand Zivilisation, entièrement voué à dénoncer l’enfermement de l’homme "cultivé" dans un système mécanique conditionné par des lois strictes (gage de la stabilité nécessaire à l’exercice du pouvoir, politique ou religieux…), démocratiques, égalisatrices, niveleuses (cf. Nietzsche), favorisant la "tête bien pleine" contre la "tête bien faite", inapte à renvoyer le sujet à son propre questionnement intérieur (le "connais toi toi-même" de la philosophie grecque), à faire de lui son propre maître, un homme libre (but suprême de toute éducation : cf. épicurisme, stoïcisme) et, au final, précipitant la décadence d’une culture au lieu de favoriser, comme dans toute civilisation véritable, l’apparition d’hommes d’exceptions porteurs d’avenir pour la culture. Si la culture est un processus de spiritualisation, la formation de soi qui s’entend d’abord comme instruction, c’est-à-dire travail d’acquisition d’une culture selon ses règles propres, effort qui a effectivement le sens de l’ensemencement effectué en vue de la récolte, ne doit pas s’achever dans un résultat produit comme dans la visée technique d’un but (un emploi) : les véritables et plus beaux "fruits" de la récolte procèdent du phénomène intérieur de développement de la forme, c’est-à-dire de la formation elle-même, qui reste donc sans cesse en progrès et en marche, et c’est ce qui se nomme éducation. La culture est l’appropriation totale de ce à quoi on se forme (instruction) et qui forme (tout ce qui provient de la société à l’intérieur de laquelle ce travail de culture peut prendre racine et se perpétuer) au point qu’elle devient à elle-même sa propre fin (et c’est en cela qu’elle est d’essence philosophique) ouverte à l’infini sur la reconnaissance du génie des différentes cultures : vous ne devez pas tomber dans le relativisme culturel (issu de l’ethnologie contemporaine), et comprendre qu’au-delà des modèles sociaux que prescrit chaque culture, il existe des idéaux de la civilisation qui s’imposent par leur universalité (dont l’instruction justement fait parti), exigence par laquelle une culture prend le risque de se confronter à l’altérité.
De deux, et c'est la conclusion logique à laquelle on parvient à partir de mon analyse précédente, l'enseignement de la philosophie n'est pas et n'a jamais été un "truc sans importance" : aujourd'hui et dans un avenir assez proche (si l'on se réfère aux plus récents projets de réforme), l'éducation nationale s'apprête à revenir à ses fondamentaux en instituant des "troncs" : lettres, sciences, sciences humaines (philo, socio, psycho). Ne vous inquiétez donc pas : l'avenir de la philosophie en France n'est pas (encore) menacée ! Ce qui est (plus) inquiétant est le mode de fonctionnement de ces réformes au sein des établissements... en fonction des priorités (financières ?). Nous veillerons au grain !!!
Marsh Posté le 14-02-2008 à 17:51:30
l'Antichrist a écrit : |
Tu me déçois l'Antichrist,
Citation : Dans le problème qui vous occupe, il faut éviter à tout prix de séparer instruction et éducation ou |
Si tu fais le distingo ici, c'est que tu le fais plus haut, et tu nous dis, qu'il faut éviter de le faire.
Je n'ai lu que ça, et j'ai chercher la fin de la phrase
Marsh Posté le 14-02-2008 à 18:02:54
l'Antichrist a écrit : |
Je suis moyennement d'accord
Marsh Posté le 14-02-2008 à 18:55:30
ese-aSH a écrit : l'ecole y en a qui y croient encore ? |
Si on arrive à la reprendre des mains des bourgeois, un future n'est pas improbable. vroom vroom vroom
Marsh Posté le 14-02-2008 à 21:31:48
C'est peut-être vrai, peut-être pas !
Je me pose toujours la question de savoir si c'est le monde qui me fait ou si c'est moi qui fait le monde.
Marsh Posté le 14-02-2008 à 21:42:49
Il me semble qu'avant on enseignait peut de matières à l'école...
Ne serait il pas plus judicieux de laisser les matières artistiques pour le mercredi aprem, arrêter un peu avec les maths et valoriser le français? A la fois alléger les cours tout en permettant eux enfants de rester un peu plus à l'école pour faire autre chose qu'apprendre...
Marsh Posté le 14-02-2008 à 21:46:46
Comment ça? Tu veux dire "demandons l'avis des gars du topic "plus de 5 semaines de vacances par an""?
Marsh Posté le 14-02-2008 à 21:48:44
simouu a écrit : valoriser le français? |
L'histoire, c'est la racinne, D.ieu, Au commencement était les ténèbre vroom vroom vroom
Marsh Posté le 14-02-2008 à 21:51:07
J'ai pas dit que ce serait au détriment de l'histoire, qui me semble pas si mal enseigné.
Marsh Posté le 14-02-2008 à 21:51:14
simouu a écrit : |
Non, pas du tout, je répondais à l'Antéchist en fait... j'écris tout seul aussi
Marsh Posté le 14-02-2008 à 21:59:42
simouu a écrit : |
Alors y a qu'à laisser tourner et voir ce que ça donne
Marsh Posté le 15-02-2008 à 07:39:24
Fructidor a écrit : |
+1
Dès l'école on leur fourre les langues étrangères, les initiations à des tas de matières, on leur cause de tout et de rien au final. On veut même leur faire vivre la vie d'un juif. Et leur vie à eux, jamais ils ont le temps de s'en occuper ?
Et les profs, ils se plaignent de devoir apprendre des tas de matières aux gosses auxquelles ils n'ont pas été formés, comme l'astronomie ou l'informatique. Résultat les profs nuls dans ces matières apprennent des nullités aux gosses. Rares sont les directeurs d'écoles à avoir l'idée de faire venir des intervenants spécialistes dans une matière plutôt que de laisser se débrouiller un instit complètement paumé.
On initie les gosses à des tas de choses et pendant et ils n'ont plus le temps de prendre leur temps à approfondir les bases principales, à partir desquelles on peut tout découvrir ensuite à sa guise.
Le résultat de ces bourrages de cranes c'est qu'on dégoute les gens des matières forcées. On m'a bourré le crane de Molière au collège, résultat, j'en ai la nausée rien qu'à regarder la couverture de Scapin alors que c'est surement génial.
On voit ce que ça donne sur ce genre de forum. Des crasses en orthographe mais qu'est ce que ça raconte de conneries sur tous les domaines. Parce qu'un prof leur a raconté une connerie au lycée alors faut que ça la ressorte dans les forum.
Marsh Posté le 15-02-2008 à 09:37:38
halman a écrit : Et les profs, ils se plaignent de devoir apprendre des tas de matières aux gosses auxquelles ils n'ont pas été formés, comme l'astronomie ou l'informatique. Résultat les profs nuls dans ces matières apprennent des nullités aux gosses. Rares sont les directeurs d'écoles à avoir l'idée de faire venir des intervenants spécialistes dans une matière plutôt que de laisser se débrouiller un instit complètement paumé. |
faut les payer ..... on a pas de fonds, l'argent du gouvernement est pas là pour l'éducation
à vot' bon coeur m'sieurs dames
halman a écrit : Le résultat de ces bourrages de cranes c'est qu'on dégoute les gens des matières forcées. On m'a bourré le crane de Molière au collège, résultat, j'en ai la nausée rien qu'à regarder la couverture de Scapin alors que c'est surement génial. |
pareil tiens
On enseigne que du franco français à l'école
On fait même pas lire du Shakespeare aux enfants c'est mal
Marsh Posté le 15-01-2008 à 13:34:32
'lut
Notre système éducatif en France est très moyen quand on le compare aux systèmes éducatifs des autres pays comparables. A part quelques formations élitistes (Grandes écoles et quelques filières universitaires), le diplôme (bac et plus) ne garantit pas du tout un emploi au bout. Les maths sont considérés comme la marque de fabrique de l'intelligence et pendant ce temps les autres matières littéraires ou professionnels sont considérés comme des "trucs" sans importance ou inférieurs ou inutiles.
Je me demande si les problèmes sociaux qui (en apparence) n'ont rien à voir avec le système éducatif ne s'atténueront pas progressivement si on décide d'enseigner les disciplines des sciences humaines assez tôt à l'école.
Par exemple : introduire la sociologie et la philosophie dès la 6e et la psychologie dès la 4e.
Attention, je dis bien "introduire" c'est-à-dire, commencer par une initiation.
Bien sûr, il faut des méthodes et de la pédagogie adaptées aux enfants et aux ados de ces âges là. Mais, ça, c'est faisable.
Quelques matières "humaines et humanisantes" ne pourraient pas nuire à tous les gosses de France.
Qu'en pensez-vous ?