L'influence du langage sur la pensée

L'influence du langage sur la pensée - Sciences - Discussions

Marsh Posté le 05-03-2006 à 09:49:06    

L'influence du langage sur la pensée est indéniable.
 
Cette influence est visible dans l'apparition de nouveaux concepts, par exemple:

  • l'invention du péché, notion qui n'existait pas chez les mésopotamiens
  • la notion d'inconscient, notion récente qui a bouleversé la façon dont les personnes se pensent elle-mêmes
  • les concepts de bien et de mal

Les nouveaux concepts se fondent-ils sur une réalité? Quoiqu'il en soit, leur impact est parfois si profondément ancré dans notre pensée que la plupart du temps, nous ne nous en apercevons pas.
 
Au delà des concepts, le langage nous influence par la grammaire elle-même. Voici deux exemples évoqués dans d'autres topics:

  • S'interroger sur l'utilisation de transformateurs comme la négation
  • Inventer de nouveaux modes en plus de l'indicatif, du conditionnel, etc


Je propose ici de lancer le débat sur l'influence de l'auxiliaire être sur la pensée. Avec avoir, être fait un constructeur majeur de la langue française et des langues pratiquées en occident.
 
L'auxiliaire être, utilisé en permanence ("je suis heureux", "je suis en forme", etc), ne nous conduit-il pas à avoir une fausse idée de nous-même? Il tend à nous rendre observateurs de notre état, et non pas acteurs.
 
Si l'auxiliaire était "faire", et non pas "être", cela traduirait un état d'esprit fondamentalement différent de notre conscience de nous-même. Je "fais en forme", je "fais heureux", etc.  
 
Car le rôle principal de notre corps, c'est l'action. Si l'on prend le cas particulier de notre état intérieur, cet état vient de l'action de l'ensemble de nos cellules, de notre corps. C'est le langage lui-même qui en quelque sorte nous fait croire qu'il s'agit d'un état. Le "je suis" ne serait donc qu'une illusion, introduite par le langage lui-même. Dire "je fais fatigué", au lieu de "je suis fatigué" signifie que nous intégrons notre corps dans notre pensée. L'effet sur la pensée de cet auxiliaire différent serait fondamental. Aussi, la notion de temps serait aussi modifiée. Avec être, le temps est figé, au contraire d'avec faire.  
 
Votre avis?

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Marsh Posté le 05-03-2006 à 09:49:06   

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Marsh Posté le 05-03-2006 à 10:24:15    

Mon Dieu je me retrouve en cours de philo sans même une bonne voisine à mater  [:totoz]
 
Mon expérience de la chose étant que j'ai rarement (euphémisme pour dire "jamais" ) vu une pensée construite et subtile chez ceux qui manient la langue comme des gougnafiers avec moultes fautes d'orthographe, de grammaire, de ponctuation et une pauvreté de vocabulaire à faire palir Diams.
 
Donc oui le langage et la pensée sont, je pense, intimement liés.
 
 
Quant à la réfléxion "d'être" à la place de "faire", j'y suis sensible depuis que Sartres, assis au café de Flore, observait les gens être cela ou cela alors qu'ils jouent des rôles pour coller à leurs personnages.
 
Je pense que travailler la langue, changer les mots, les tournures, le phrasé permet d'accéder à de nouvelles pensées, de nouvelles réfléxions.


Message édité par ShonGail le 05-03-2006 à 10:24:52
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Marsh Posté le 05-03-2006 à 10:33:07    

Oui, le langage aide a construire la pensee. Apres, faudrait comparer avec d autres langues. Je pense au chinois pour le coup, ou l on ne se sert pas de "etre" pour dire "je vais bien" (on dit "wo hen hao", "je tres bien", l adjectif etant en fait un verbe...), sans compter le fait que les verbes ne se conjuguent pas, c est le contexte et ou des particules qui permettent de comprendre...

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Marsh Posté le 05-03-2006 à 11:28:48    

La sémantique , une arme de combat et d'asservissement destinée
à induire un état de confusion dans l'esprit de celui qui écoute .
exemples : surnaturel ?   paranormal ?  extraterrestre ? extraordinaire   ect..


Message édité par Dam468 le 05-03-2006 à 11:31:35
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Marsh Posté le 05-03-2006 à 11:36:18    

Tu dois confondre avec la rhétorique ...
 
EDIT : et puis cela n'a pas à voir avec le propos. Mais ça permet de se placer en position de rebellion par rapport à une hypothétique assujetion.


Message édité par ShonGail le 05-03-2006 à 11:39:30
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Marsh Posté le 05-03-2006 à 15:48:37    

"Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément "

Reply

Marsh Posté le 05-03-2006 à 16:55:13    

charlie 13 a écrit :

"Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément "


Il est certains esprits dont les sombres pensées  
Sont d'un nuage épais toujours embarrassées;  
Le jour de la raison ne le sauroit percer.  
Avant donc que d'écrire apprenez à penser.  
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,  
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,  
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
(Nicolas Boileau)
 
"Apprenez à penser". Penser, oui, mais mesurons-nous l'influence du langage sur cette pensée?  
J'ai pris comme exemple l'auxiliaire être. Cet auxiliaire reflète-t-il notre activité mentale et corporelle, qui est (comment éviter ce mot!!!??) toute en mouvement?
 
Comment passer d'une pensée descriptive, une pensée prisonnière du "je suis", à une pensée en acte, une pensée s'appuyant sur un langage fondé sur l'acte et non pas l'être? Faut-il changer le langage même?

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Marsh Posté le 05-03-2006 à 17:52:31    

Ne sont-ce pas plutôt des habitudes?
 On a cité plus haut la phrase"je vais bien", on ferait mieux de dire "je suis bien", car le verbe "aller" indique plutôt une direction qu'un état.
A moins que la phrase ne soit qu'une abreviation d'une autre, plus complète;
Un médecin du moyen âge demandant à son patient "allez vous bien (à la chaise percée) ", l'autre aurait pu répondre;
""j'y vais bien" ,et l'habitude de se prendre de dire "je vais bien" pour "mes fonctions naturelles sont normales", alors qu'aujourd'hui l'expression signifie plutôt:"je me sens bien".
 Il est toujours difficile de connaître l'origine des expressions, et de savoir si leur sens actuel n'est pas different de celui d'origine.

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Marsh Posté le 05-03-2006 à 18:24:45    

je n'ai jamais aimé l'expression 'tu vas bien ?' surtout de gens que je connais pas trop....
Tout s'éclaire....  ;)  
 
Etant donné ton interrogation, tu seras peut être interessé par ceux qui ne pensent pas en mots..qui pourront apporter un éclairage sur comment la pensée se construit sans langage.
Moi même j'ai souvent du mal à traduire ma pensée en mots (c'était pire dans mon enfance): c'est principalement des émotions, des choses qui vont ensemble, qui se construisent comme des légos, ou comme deux bras se "branchent" avec un tronc, et lorsque ce n'est pas des sensations corporelles, il s'agit surtout d'images...C'est aussi pour ça que lorsque j'explique quelquechose, je suis exécrable : je ne trouve jamais les mots, et ma façon de penser ne parlent en général pas à mon interlocuteur.
Pour d'autres ça va plus loin, je pense surtout à des gens comme Temple Grandin, scientifique étudiant la psychologie animale et auteur du livre "Penser en images". Accessoirement elle est autiste, ce qui ne doit pas être étranger avec sa pensée sans mot.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pens%C3%A9e_visuelle
 
PS  : tout ça pour dire que :
""Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément "
 
pour moi, c'est un préjugé honteux sur une supposée supériorité intellectuelle de ceux qui manient bien le verbe.

Message cité 3 fois
Message édité par Feanor le 05-03-2006 à 18:27:42
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Marsh Posté le 05-03-2006 à 18:44:02    

Ouais, bon, le texte de Boileau s'adresse a la partie de l'humanité qui maitrise la langue, tant en syntaxe qu'en vocabulaire.
Pour qui dispose de ces éléments, son texte est exact.
On se rend bien compte , quand on veut formaliser une démonstration, qu'on ne peut pas l'écrire correctement si on ne dispose pas , d'abord, de l'argumentation voulue.

Reply

Marsh Posté le 05-03-2006 à 18:44:02   

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Marsh Posté le 05-03-2006 à 18:47:06    

drapal :o

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Marsh Posté le 05-03-2006 à 20:53:43    

Feanor a écrit :


pour moi, c'est un préjugé honteux sur une supposée supériorité intellectuelle de ceux qui manient bien le verbe.


 
euh... juste pour dire qu'il manquait un smiley là, je vais pas descendre dans la rue avec une scie sauteuse  :fouyaya:  
ouhhh ça va mieux quand je prends mes cachets !!!  :sol:

Reply

Marsh Posté le 05-03-2006 à 22:13:04    

charlie 13 a écrit :

Ouais, bon, le texte de Boileau s'adresse a la partie de l'humanité qui maitrise la langue, tant en syntaxe qu'en vocabulaire.
Pour qui dispose de ces éléments, son texte est exact.
On se rend bien compte , quand on veut formaliser une démonstration, qu'on ne peut pas l'écrire correctement si on ne dispose pas , d'abord, de l'argumentation voulue.


L'argumentation et la réflexion ont entre autres comme support le langage.  Quelle serait ta pensée sans par exemple le conditionnel?
 
Une expérience intéressante, au lieu de créer artificiellement un nouvel auxiliaire d'action, serait d'essayer de penser, de formaliser, sans utiliser le conditionnel. Ces deux dernières phrases ne pourraient pas exister, par exemple...


Message édité par vonstaubitz le 05-03-2006 à 22:18:28
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Marsh Posté le 06-03-2006 à 19:08:56    

J'ignore si des gens sont capables de penser un raisonnemznt sans penser de mots, mais ça n'est pas mon cas.
A la rigueur, je peux penser dans une autre langue, mais c'est plus difficile, parceque,justement, il me manque des mots.

Reply

Marsh Posté le 06-03-2006 à 20:10:20    

Feanor a écrit :

je n'ai jamais aimé l'expression 'tu vas bien ?' surtout de gens que je connais pas trop....
Tout s'éclaire....  ;)  
 
Etant donné ton interrogation, tu seras peut être interessé par ceux qui ne pensent pas en mots..qui pourront apporter un éclairage sur comment la pensée se construit sans langage.
Moi même j'ai souvent du mal à traduire ma pensée en mots (c'était pire dans mon enfance): c'est principalement des émotions, des choses qui vont ensemble, qui se construisent comme des légos, ou comme deux bras se "branchent" avec un tronc, et lorsque ce n'est pas des sensations corporelles, il s'agit surtout d'images...C'est aussi pour ça que lorsque j'explique quelquechose, je suis exécrable : je ne trouve jamais les mots, et ma façon de penser ne parlent en général pas à mon interlocuteur.
Pour d'autres ça va plus loin, je pense surtout à des gens comme Temple Grandin, scientifique étudiant la psychologie animale et auteur du livre "Penser en images". Accessoirement elle est autiste, ce qui ne doit pas être étranger avec sa pensée sans mot.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pens%C3%A9e_visuelle
 
PS  : tout ça pour dire que :
""Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément "
 
pour moi, c'est un préjugé honteux sur une supposée supériorité intellectuelle de ceux qui manient bien le verbe.


Cette "pensée par images" se compose-t-elle d'images statiques? Ou au contraire s'agit-il d'images changeantes?
 
De mon côté, confronté à un vaste problème à conceptualiser, j'ai tendance à "sculpter" les concepts. Je les vois plutôt en trois dimensions, et dynamiques. Une sorte de puzzle en trois dimensions. Cette manière de penser a selon moi ses limites, elle n'a pas la capacité interne productrice du langage (cf la négation, par exemple).
 
Nous n'apprenons pas à penser, en fait. On m'a donné un outil, la langue française, et un cadre de pensée via l'éducation nationale. Dans ce cadre, les façons de penser sont implicites. On n'apprend pas à critiquer les outils mêmes de notre pensée. Les modalités mêmes de la pensée ne sont pas enseignées.  
 
Et effectivement, pourquoi le langage formerait-il le média privilégié de la pensée? Et pourquoi ne pas s'interroger sur la pertinence même la langue française comme média principal de la pensée, au moins dans sa forme actuelle dont la grammaire est figée?


Message édité par vonstaubitz le 06-03-2006 à 21:05:13
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Marsh Posté le 06-03-2006 à 20:21:21    

charlie 13 a écrit :

J'ignore si des gens sont capables de penser un raisonnemznt sans penser de mots, mais ça n'est pas mon cas.
A la rigueur, je peux penser dans une autre langue, mais c'est plus difficile, parceque,justement, il me manque des mots.


Le raisonnement n'est pas forcément le seul mode de la pensée opératoire. Prends la conduite automobile, le sport, les échecs, le bricolage, [edit: l'art!!!]. Situations dans lesquelles des problèmes complexes sont posés au cerveau, et auxquels il peut donner une réponse pertinente sans mettre le langage en jeu.
 
Je pense qu'il faut faire confiance au cerveau pour résoudre certains problèmes complexes du quotidien sans faire intervenir le langage.  
 
Mais là, on s'éloigne du propos. Mais pas tant que cela. Peut-être pourrait-on apporter des modifications à la langue française de telle sorte que la langue se rapproche des modes de pensée "non verbaux".
 

Citation :


Edit: (http://atilf.atilf.fr):
 
I. [La pensée comme faculté]
A. Principe de la vie psychique.
1. HIST. DE LA PHILOS. [Chez Descartes et ses continuateurs] Activité psychique dans son ensemble.  
2. Lang. cour.
a) Ensemble des facultés psychologiques tant affectives qu'intellectuelles
b) Activité affective consciente
B. [P. oppos. à affectivité, sensibilité] Principe de la vie intellectuelle. Synon. entendement, esprit (v. ce mot 2e section I C), intelligence.
1. PHILOS., PSYCHOL.
a) Ensemble des fonctions psychiques et psycho-physiologiques ayant la connaissance pour objet; ensemble des phénomènes par lesquels ces fonctions se manifestent.
etc...


Message édité par vonstaubitz le 09-03-2006 à 22:17:42
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Marsh Posté le 07-03-2006 à 10:37:46    

L'hypthèse selon laquelle le langage influence la pensée est traditionnellement conue en linguistique sous le nom d'hypothèse de Sapir-Whorf. Sous sa forme forte, elle fut énnoncée pour la première fois par Lee Whorf, qui s'intéressait notamment à la langue des indiens Hopi d'Arizona. La langue hopi offre en effet cette particularité étonnant de ne pas faire la différence entre les notions de distance spatiale et distance temporelle.
 
Mais l'hypothèse sous sa forme forte est très contestée. Des études montrent que dans beaucoup de cas, la pensée précède le language. Il n'est pas non plus rare d'entendre quelqu'un dire "je n'ai pas les mots pour exprimer ce que je veux dire". Et comme il a été mentionné, certaines formes de raisonnement (ex : raisonnement gémoètrique) sont clairement indépendantes du langage.
 
Mais Whorf lui-même n'était pas spécialement un avocat de l'hypothèse forte. Il voyait plutôt le langage comme facilitant/structurant certaines formes de pensées. Ainsi, là où une langue européene voit le futur et le passé comme liés "spatialement" par un chemin (du passé vers le futur), le langage hopi voit un événement en devenir, un procédé, une action.
 
Cela se traduit par des structures grammaticales très différentes : le français dira "le ciel est bleu" , liant logiquement les noms "ciel" et "bleu", alors que le hopi parlera d'un "bleuissement". Whorf allait donc jusqu'à dire qu'il n'y avait pas de noms à proprement parler en hopi, uniquement des verbes.

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Marsh Posté le 07-03-2006 à 10:49:06    

D'accord avec Welkin...
Réduire la pensée au language, c'est exclure l'imagination et les émotions.

Reply

Marsh Posté le 07-03-2006 à 11:15:41    

Welkin a écrit :

L'hypthèse selon laquelle le langage influence la pensée est traditionnellement conue en linguistique sous le nom d'hypothèse de Sapir-Whorf. Sous sa forme forte, elle fut énnoncée pour la première fois par Lee Whorf, qui s'intéressait notamment à la langue des indiens Hopi d'Arizona. La langue hopi offre en effet cette particularité étonnant de ne pas faire la différence entre les notions de distance spatiale et distance temporelle.
 
Mais l'hypothèse sous sa forme forte est très contestée. Des études montrent que dans beaucoup de cas, la pensée précède le language. Il n'est pas non plus rare d'entendre quelqu'un dire "je n'ai pas les mots pour exprimer ce que je veux dire". Et comme il a été mentionné, certaines formes de raisonnement (ex : raisonnement gémoètrique) sont clairement indépendantes du langage.
 
Mais Whorf lui-même n'était pas spécialement un avocat de l'hypothèse forte. Il voyait plutôt le langage comme facilitant/structurant certaines formes de pensées. Ainsi, là où une langue européene voit le futur et le passé comme liés "spatialement" par un chemin (du passé vers le futur), le langage hopi voit un événement en devenir, un procédé, une action.
 
Cela se traduit par des structures grammaticales très différentes : le français dira "le ciel est bleu" , liant logiquement les noms "ciel" et "bleu", alors que le hopi parlera d'un "bleuissement". Whorf allait donc jusqu'à dire qu'il n'y avait pas de noms à proprement parler en hopi, uniquement des verbes.


Rhah, je suis bleu! Grillé sur un tel sujet! :/
 
Language, Though and Reality, de Whorf, c'est un bouquin majeur. Il avait ete traduit par Payot je crois (j'en avais un exemplaire, prete et qu'on m'a jamais rendu), et jamais reedité; j'en ai rachete un exemplaire aux US.
 
L'hypothese faible est relativement bien admise de nos jours. Whorf voyait le langage comme une sorte de pre-structuration d'une partie de notre pensée (en particulier celles liées a la perception du monde qui nous entoure). Il n'a jamais pretendu que toute pensée passait par le langage (comme certains extremistes de l'hypothese forte l'on fait).
 
En ce qui concerne certaines langues uto-azteques (je connais pas bien le cas du Hopi, mais je connais le cas du Nahuatl), les noms peuvent y avoir une fonction predicative, fonction qui est habituellement reservée aux verbes dans les langues europénnes (On parle alors de langue omni-predicative).
En japonais, on aura une structure a celle du Hopi, pour dire le ciel est bleu (sora aoi), les adjectifs japonais etant une des deux classes de mots de cette langue qui se conjuguent.
Il y a des langues d'Amerique du nord (sur la cote pacifique, il me semble) ou la distinction nom-verbe est plus que ténue.
 
A+,

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Message édité par gilou le 07-03-2006 à 11:22:12
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Marsh Posté le 07-03-2006 à 11:25:18    

J'ai pas le temps de faire une réponse construite maintenant mais topic très intéressant  :jap:  
 

Spoiler :

[:drapal]

Reply

Marsh Posté le 07-03-2006 à 11:40:32    

Citation :

Je propose ici de lancer le débat sur l'influence de l'auxiliaire être sur la pensée. Avec avoir, être fait un constructeur majeur de la langue française et des langues pratiquées en occident.  
 
L'auxiliaire être, utilisé en permanence ("je suis heureux", "je suis en forme", etc), ne nous conduit-il pas à avoir une fausse idée de nous-même? Il tend à nous rendre observateurs de notre état, et non pas acteurs.  
 
Si l'auxiliaire était "faire", et non pas "être", cela traduirait un état d'esprit fondamentalement différent de notre conscience de nous-même. Je "fais en forme", je "fais heureux", etc.  


 
Je pense qu'il faut mieux considerer les roles des auxiliaires etre et avoir dans un tel contexte:
En francais, etre est plutot lié a une perception statique/passive des choses, et avoir a une perception dynamique/active.
Mais on a un emploi de avoir relativement particulier: alors qu'on dit "je suis fatigué", "je suis malade" "je suis triste", on va dire "j'ai faim" "j'ai soif" "j'ai peur" alors que dans tous les cas, c'est un etat du locuteur qui est decrit. Dans de nombreuses langues, toutes ces situations seraient decrites de maniere identiques, comme statiques. Qu'est ce qui dans notre perception d'un etat interne va faire que l'on va dire "j'ai sommeil" ou "je suis fatigué" en employant une construction en avoir ou être?
 
L'auxiliaire etre n'est pas necessairement unique. D'autres langues (l'espagnol par exemple) utilisent deux auxiliaires etre: l'un lie a un etat permanent et statique, et l'autre lié a un etat passager (et donc vu dans une perspective dynamique).
 
A+,

Message cité 1 fois
Message édité par gilou le 07-03-2006 à 11:44:04
Reply

Marsh Posté le 07-03-2006 à 13:38:10    

Il est amusant de noter qu'au niveau cerebral, chacune des "facettes" du language active une zone precise du cerveau. Il n'y a donc pas une "aire du language", mais une multitude de mecanismes eparses qui permettent d'immaginer un concept, de le materialiser sous forme de phonemes, puis de lettres, puis de les articuler.  
Ces mecanismes existaient deja a un niveau embryonnaire alors que nous etions encore perches dans les arbres et couverts de fourrure.
Le language ne peut des lors (si on accepte les theories evolutionnistes) qu'etre "moule" sur notre maniere de penser. le phenomene insverse ne peut se produire que si l'homme se met a adapter le language pour alterer le fonctionnement de son cerveau, ce qu'il ne fera probablement pas avant un bon bout de temps :o

Reply

Marsh Posté le 07-03-2006 à 13:57:32    

Citation :

Le language ne peut des lors (si on accepte les theories evolutionnistes) qu'etre "moule" sur notre maniere de penser.

Non, du fait que la plasticite de l'architecture cerebrale, surtout dans l'enfance, il peut tres bien avoir co-evolution du langage en tant qu'utilisation particuliere de certaines zones du cerveau, avec la capacité a raisonner de maniere complexe, facilitée par la capacité que donne le langage (IMHO) a symboliser de nouveaux concepts.
 
A+,

Reply

Marsh Posté le 07-03-2006 à 14:17:58    

gilou a écrit :

Rhah, je suis bleu! Grillé sur un tel sujet! :/
 


Désolé de t'avoir grillé, la linguistique c'est un sujet qui me passionne :) En tout cas tu as l'air de savoir de quoi tu parles.

Message cité 1 fois
Message édité par Welkin le 07-03-2006 à 14:18:54
Reply

Marsh Posté le 07-03-2006 à 14:47:53    


pa d'accord pour preuve les subtiles différences de sens de chaque mot selon l'individu considéré : le pouvoir des mots n'est pas plus fort que celui qui les utilise - les mots n'ont que la signification que celui qui les utilise veut bien leur accorder (et qui est généralement subtilement différent du sens qu'accordera celui qui les lit).
sans quoi les dictionnaire seraient inutiles si le langage transcandait l'individu :p


Message édité par ese-aSH le 07-03-2006 à 14:48:22

---------------
On a tous un avis, le donne pas.
Reply

Marsh Posté le 07-03-2006 à 14:54:54    

Welkin a écrit :

Désolé de t'avoir grillé, la linguistique c'est un sujet qui me passionne :) En tout cas tu as l'air de savoir de quoi tu parles.

On est deux alors. Je crois d'ailleurs que ca a commencé apres avoir lu le livre de Whorf.
A+,


Message édité par gilou le 07-03-2006 à 14:56:41
Reply

Marsh Posté le 08-03-2006 à 21:32:21    

gilou a écrit :

Je pense qu'il faut mieux considerer les roles des auxiliaires etre et avoir dans un tel contexte:
En francais, etre est plutot lié a une perception statique/passive des choses, et avoir a une perception dynamique/active.
Mais on a un emploi de avoir relativement particulier: alors qu'on dit "je suis fatigué", "je suis malade" "je suis triste", on va dire "j'ai faim" "j'ai soif" "j'ai peur" alors que dans tous les cas, c'est un etat du locuteur qui est decrit. Dans de nombreuses langues, toutes ces situations seraient decrites de maniere identiques, comme statiques. Qu'est ce qui dans notre perception d'un etat interne va faire que l'on va dire "j'ai sommeil" ou "je suis fatigué" en employant une construction en avoir ou être?
 
L'auxiliaire etre n'est pas necessairement unique. D'autres langues (l'espagnol par exemple) utilisent deux auxiliaires etre: l'un lie a un etat permanent et statique, et l'autre lié a un etat passager (et donc vu dans une perspective dynamique).
 
A+,


Si je te suis, nous sommes d'accord sur ce point: c'est le locuteur qui en quelque sorte décrit son propre état, lequel est statique. Notre langue, comme de nombreuses autres, permet en fait à l'être humain qui la pratique de se décrire lui-même, comme de l'extérieur, de façon statique.
Le texte ("je suis malheureuse", par exemple), permet à la locutrice d'exprimer son état. Dans quelle mesure le fait de dire ce texte exprime-t-il l'état véritable de cette personne? Et dans quelle mesure l'existence du "je" et du présent de l'indicatif ont-ils un impact sur la pensée de cette personne?  
Je ne sais pas. J'imagine que c'est variable.
 
Cependant, il me semble, après réflexion, que cette structure singulière du langage (car elle ne correspond pas complètement à la réalité physique d'un être humain(1)) pourrrait être le résultat de l'évolution de l'espèce humaine.
 
La question est: l'espèce humaine, au cours de l'évolution, a-t-elle été confrontée à des disparitions d'individus à cause du langage, faisant ainsi survivre certains langages au détriment des autres?
 
Prenons par exemple la thèse de Manès, selon laquelle en l'Homme existent simultanément dans son être mental le bien et le mal. Dans ce cas, pourquoi ne pas utiliser "nous" à la place de "je" pour se penser soi-même en utilisant le langage, afin de refléter cette "réalité" du bien et du mal coexistant? Et pourquoi ne pas aller plus loin, en imaginant un langage reflètant la multitude de sentiments et d'opinions contradictoires existant à un instant donné dans le cerveau?
Il semble évident qu'une telle personne, utilisant un tel langage, serait désavantagée face à une autre personne dont le cerveau aurait une forte conscience de son être, qui serait statique, et ce grâce à une intégration du langage, de la pensée, et de la culture (laquelle culture culminerait dans le fameux "cogito, ergo sum" ).
 
Mon idée est donc: quelle que soit la performance des langues "occidentales" que je connais, l'état actuel de ces langues est le fruit d'une évolution. Les tribus ou groupes ayant pratiqué des langages fondamentalement différents (et plus "plastiques", plus proches de la structure dynamique, en réseau, du cerveau) ont disparu depuis longtemps.
 
(1) Si je ne me trompe pas sur la phénoménologie, les "phénoménologues" pourront développer sur ce point.


Message édité par vonstaubitz le 08-03-2006 à 21:39:06
Reply

Marsh Posté le 09-03-2006 à 09:41:29    

La question de l'origine des langues est un mystère passionant. Les théories les plus vraissemblables font remonter leur apparition aux alentours de -50 000, les liants à un phénomène que l'on appelle "l'explosion technologique du Néolithique". Aux alentours de cette date, les progrès de l'Homme, qui avaient stagnés pendants une très longue période, sont soudainement accélérés dans des proportions énormes.
 
Ainsi, selon toute probabilité le language s'est révélé un avantage évolutif important qui a contribué à la domination de Homo Sapiens : on pense par exemple que les Néanderthaux n'étaient pas dotés des mêmes capacités de production langagières que les Sapiens.
 
Quant à savoir quel est le statut cognitif du langage, c'est une question extrèmement difficile. Il semble clair que l'Homme est doté d'un "instinct" naturel pour la parole, mais après, tout est flou. Les théories de Chomsky sur la grammaire générative pour expliquer la structure des langues humaines n'ont jusqu'ici pas rencontré grand succès pratique.
 
Ton approche me paraît dangereuse, car tu sembles y présupposer que le langage est premièrement destiné à un discours sur soi-même. Hors rien ne semble l'indiquer. Au contraire, les linguistes s'accordent pour dire que la motivation première et originelle du langage est de communiquer, de transmettre des informations. Il s'agit donc d'un but purement pragmatique.

Reply

Marsh Posté le 09-03-2006 à 11:08:33    

Des petites reflexions sur le post de Welkin.
 
L'homme est doté d'un mecanisme instinctif pour apprendre un langage articulé au cours des premieres années de son enfance. C'est quelque chose d'assez bien établi je crois, en particulier par les quelques rares cas connus d'enfants n'ayant pas été en contact avec un langage dans les 10 premieres années de leur vie, et qui n'ont jamais par la suite devellopé des capacites langagieres "normales". D'autre part, il y a un schema standard par lequel passe un enfant lorsqu'il commence a develloper ses capacites langagieres (babillage, permutation des structures syntaxiques...).
On peut supposer que cet "instinct" est lié a un ensemble de mutations evolutives, une meilleure capacite a utiliser un langage etant probablement un avantage evolutif (et reproductif, les hominiennes etant déja sensibles à la tchatche?). D'autre part, il semble clair que l'on a une co-evolution: le langage lui meme a evolué en complexité au fur et a mesure que les capacites langagieres se sont accrues.
Reste néanmoins un point important, celui de la poule et l'oeuf: meme si une mutation spontanée a donné des capacites langagieres primitives, sans langage pré-existant comme support a ces capacités, cela n'aurait du aboutir a rien. Faut il en deduire au contraire que le langage (a son origine) est une utilisation nouvelle de mecanismes mentaux pre-existants plutot qu'une mutation, je n'ai pas la reponse a cette question. Mais la theorie romanesque de Auel, d'un langage gestuel pre-existant au langage oral n'est pas si farfelue dans cette perspective.  
 
La motivation actuelle du langage est de communiquer. Mais est-ce le resultat de l'evolution du langage (communiquer des informations etant un avantage evolutif)? Etait-ce sa fonction initiale? [noter que meme si ce n'etait pas sa fonction initiale, je ne pense pas que cela ait une grande importance dans le debat qui nous preoccupe]
 
A+,


Message édité par gilou le 09-03-2006 à 11:16:33
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Marsh Posté le 09-03-2006 à 11:49:08    

Mes reflexions sur le post de VonStaubitz maintenant:
 
Meme si le psychisme est un ensemble de mécanisme mentaux concurrents, il me semble bien qu'il y a (pour des raisons evolutives evidentes) un mecanisme decisionnaire, et que le "je" reflete dans le langage cette structuration mentale.
 
Il faut néanmoins differencier le fait de se nommer comme entite individuelle dans le langage, et le fait de se presenter comme le locuteur du discours, dans une perspective locuteur-interlocuteur-autre participants (aspect semantico-referentiel du langage?). Au cours de l'acquisition du langage, dans un premier temps, l'enfant parle de lui en se nommant (par son nom, prenom, sobriquet usuel...), tout les participants de l'énoncé étant sur un même plan. Plus tard se devellope l'aspect locuteur-interlocuteur-autre participants dans son langage. Mon impression (mais je ne suis pas specialiste) est que le "je" se devellope en meme temps que la conscience de possession individualisée des objets ("a moi", "a toi"...).
Certaines langues continuent d'ailleurs a favoriser l'utilisation de nom/prenom/titre plutot que de pronom personnel (et expriment la perspective locuteur-interlocuteur-autre participants autrement. C'est la cas en japonais par exemple).
 
Un autre point: Il semble que le systeme de base dans de nombreuses langues pour les personnes soit:
Locuteur: oui/non
Interlocuteur: oui/non.
Les combinaisons de ce systeme donnent:
+Locuteur, -Interlocuteur -> 1e personne
-Locuteur, +Interlocuteur -> 2e personne
-Locuteur, -Interlocuteur -> 3e personne
+Locuteur, +Interlocuteur -> "4e personne" ou "Nous inclusif" (inexistant dans la famille Indo-europeenne, frequent dans les langues américaines ou pacifiques).
 
A+,

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Message édité par gilou le 09-03-2006 à 13:40:51
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Marsh Posté le 09-03-2006 à 15:18:44    

gilou a écrit :

Rhah, je suis bleu! Grillé sur un tel sujet! :/
 
Language, Though and Reality, de Whorf, c'est un bouquin majeur. Il avait ete traduit par Payot je crois (j'en avais un exemplaire, prete et qu'on m'a jamais rendu), et jamais reedité; j'en ai rachete un exemplaire aux US.
 
L'hypothese faible est relativement bien admise de nos jours. Whorf voyait le langage comme une sorte de pre-structuration d'une partie de notre pensée (en particulier celles liées a la perception du monde qui nous entoure). Il n'a jamais pretendu que toute pensée passait par le langage (comme certains extremistes de l'hypothese forte l'on fait).
 
En ce qui concerne certaines langues uto-azteques (je connais pas bien le cas du Hopi, mais je connais le cas du Nahuatl), les noms peuvent y avoir une fonction predicative, fonction qui est habituellement reservée aux verbes dans les langues europénnes (On parle alors de langue omni-predicative).
En japonais, on aura une structure a celle du Hopi, pour dire le ciel est bleu (sora aoi), les adjectifs japonais etant une des deux classes de mots de cette langue qui se conjuguent.
Il y a des langues d'Amerique du nord (sur la cote pacifique, il me semble) ou la distinction nom-verbe est plus que ténue.
 
A+,


 
Sans aller chez les indiens, ya plus facile mais plus couteux et plus fatiguant pour constater ça, c'est de faire des gosses. L'idée chez eux précède de manière flagrante les mots, et ils demandent indifféramment le nom de choses qui en ont ou pas pour nous.
 
Sinon, je suis assez surpris de voir dans le post initial que la notion de bien et de mal serait issue du language. Il me semble qu'elle est présente trés tot chez l'homme, mais qu'elle consiste simplement pour commencer en la notion de plaisir et de douleur.

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Marsh Posté le 09-03-2006 à 15:40:45    

hephaestos a écrit :

Sans aller chez les indiens, ya plus facile mais plus couteux et plus fatiguant pour constater ça, c'est de faire des gosses. L'idée chez eux précède de manière flagrante les mots, et ils demandent indifféramment le nom de choses qui en ont ou pas pour nous.
 
Sinon, je suis assez surpris de voir dans le post initial que la notion de bien et de mal serait issue du language. Il me semble qu'elle est présente trés tot chez l'homme, mais qu'elle consiste simplement pour commencer en la notion de plaisir et de douleur.


Ah oui, c'est bien ce que je peux constater avec ma fille de 20 mois, en plein apprentissage du langage en ce moment.
Un truc amusant, elle peut employer le même mot pour des choses totalement différentes  : il me semble qu'elle s'attache donc plus au contexte qu'au mot eux mêmes (même si bien sûr elle ne sait pas encore bien prononcer différentes sillabes, ce qui explique la simplification des mots).
Une autre chose étonnante aussi, c'est à quel point les enfants comprennent très bien le langage avant de savoir le prononcer. La compréhension se fait très tôt, et j'imagine à nouveau que ça doit tenir plus du contexte que de la compréhension des sons en eux mêmes.  


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Marsh Posté le 09-03-2006 à 15:44:59    

hephaestos a écrit :

Sans aller chez les indiens, ya plus facile mais plus couteux et plus fatiguant pour constater ça, c'est de faire des gosses. L'idée chez eux précède de manière flagrante les mots, et ils demandent indifféramment le nom de choses qui en ont ou pas pour nous.


Certes, mais là, mon propos portait juste sur la differentiation nom-verbe. Elle est loin d'etre aussi fondamentale qu'il peut paraitre a notre pensée de locuteur d'une langue indo-europénne. Il y a des langues (en petit nombre) ou les noms d'objet peuvent se conjuguer comme les verbes.  
Pour revenir a cette idée de capacité a nommer les choses chez l'enfant, on peut se demander si la langue "maternelle" ne joue pas un role de filtrage, eliminant (par son apprentissage) les concepts qui n' y ont pas de nomination.
A+,

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Message édité par gilou le 09-03-2006 à 15:53:11
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Marsh Posté le 09-03-2006 à 16:03:19    

gilou a écrit :

Certes, mais là, mon propos portait juste sur la differentiation nom-verbe. Elle est loin d'etre aussi fondamentale qu'il peut paraitre a notre pensée de locuteur d'une langue indo-europénne. Il y a des langues (en petit nombre) ou les noms d'objet peuvent se conjuguer comme les verbes.  


Exact, et le Hopi dont je parlais plus haut en est un exemple.
 
Beaucoups de concepts grammaticaux qui nous sembles évident, ne le sont absolument pas. Quelques exemples :
 
- La distinction sujet/complément n'est pas évidente en Tagalog (langue des Philipines)
 
- Le verbe "avoir" n'existe pas en finnois. De même, il n'y a pas de temps futur grammatical.
 
- Masculin/féminin/neutre : le choix n'est pas restreint à ça ! certaines langues bantous d'afrique comporte des dizaines de classes nominales. Le Navajo possède aussi différent genre pour les objets animés, innanimés, plats, hauts, ...
 
Plus proche de nous, le suédois possède deux classes nominales arbitraires qui ne sont ni féminin, ni masculin.
 
- Dans certaines langues indiennes de l'Amazonie, l'ordre naturel de la phrase est Objet/Verbe/Sujet
 
A contrario, certaines idées qui pourraient nous sembler logiques n'apparaissent pas. Par exemple, on pourrait imaginer qu'une méthode naturelle de construire une négation serait d'inverser totalement l'ordre des mots d'une phrase. Pourtant, il n'existe aucune langue connue dans le monde utilisant un tel procédé. Est-ce que cela nous dit quelque chose sur notre cerveau ?

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Message édité par Welkin le 09-03-2006 à 16:10:15
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Marsh Posté le 09-03-2006 à 21:53:34    

hephaestos a écrit :

Sinon, je suis assez surpris de voir dans le post initial que la notion de bien et de mal serait issue du language. Il me semble qu'elle est présente trés tot chez l'homme, mais qu'elle consiste simplement pour commencer en la notion de plaisir et de douleur.


Tout à fait. J'évoque bien sûr, et cela n'est pas clair dans le post initial, la notion d'influence, pas celle d'origine. Si les notions de bien et du mal semblent apparaître très tôt chez l'homme, avant même la maîtrise des concepts et la connaissance des mots eux-mêmes, je pense que le langage lui-même peut orienter cette notion. J'ai pour exemple très récent une fable de la Fontaine que mon fils a appris cette semaine: la cigale et la fourmi. La formulation de la fable, sa "morale" tendent à orienter le jeune lecteur vers une conclusion: le comportement de la fourmi est "bien", celui de la cigale est "mal". L'enfant, plongé dans la dialectique de la fable, ne peut pas s'imaginer une autre solution. A savoir que l'on peut avoir un comportement à la fois différent de celui de la fourmi et de la cigale.
 
La fable ou l'allégorie ont une influence très forte dans la mesure où elles réfèrent à des images concrêtes; elles s'addressent à des mécanismes "non langagiers" du cerveau.  
 
Si tu me permets une allusion à l'actualité récente, confère l'expression "nettoyer au k.." associée à un "bien" supposé collectif. Impact garanti de l'allégorie.
 
Edit: quant à savoir si les notions de bien et de mal en tant que concepts "désincarnés" sont issues de la culture et du langage, ou sont une évolution non culturelle ou langagière des notions de plaisir et de souffrance, je ne sais pas...

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Message édité par vonstaubitz le 09-03-2006 à 22:22:10
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Marsh Posté le 09-03-2006 à 22:00:56    

gilou a écrit :

Mes reflexions sur le post de VonStaubitz maintenant:
 
Meme si le psychisme est un ensemble de mécanisme mentaux concurrents, il me semble bien qu'il y a (pour des raisons evolutives evidentes) un mecanisme decisionnaire, et que le "je" reflete dans le langage cette structuration mentale.
 
Il faut néanmoins differencier le fait de se nommer comme entite individuelle dans le langage, et le fait de se presenter comme le locuteur du discours, dans une perspective locuteur-interlocuteur-autre participants (aspect semantico-referentiel du langage?). Au cours de l'acquisition du langage, dans un premier temps, l'enfant parle de lui en se nommant (par son nom, prenom, sobriquet usuel...), tout les participants de l'énoncé étant sur un même plan. Plus tard se devellope l'aspect locuteur-interlocuteur-autre participants dans son langage. Mon impression (mais je ne suis pas specialiste) est que le "je" se devellope en meme temps que la conscience de possession individualisée des objets ("a moi", "a toi"...).
Certaines langues continuent d'ailleurs a favoriser l'utilisation de nom/prenom/titre plutot que de pronom personnel (et expriment la perspective locuteur-interlocuteur-autre participants autrement. C'est la cas en japonais par exemple).
 
Un autre point: Il semble que le systeme de base dans de nombreuses langues pour les personnes soit:
Locuteur: oui/non
Interlocuteur: oui/non.
Les combinaisons de ce systeme donnent:
+Locuteur, -Interlocuteur -> 1e personne
-Locuteur, +Interlocuteur -> 2e personne
-Locuteur, -Interlocuteur -> 3e personne
+Locuteur, +Interlocuteur -> "4e personne" ou "Nous inclusif" (inexistant dans la famille Indo-europeenne, frequent dans les langues américaines ou pacifiques).
 
A+,


Le "je" était un exemple pour lancer le débat sur l'influence du langage sur la pensée. Ce "je" est effectivement fondamental et nécessaire. Est-il suffisant pour développer toutes les capacités de l'être humain? Je ne sais pas.
 
J'ai passé récemment du temps avec mes enfants pour leur expliquer les 6 personnes de la langue française. En préparant, je me suis aperçu que ces 6 personnes couvraient toutes les situations de communication entre des êtres (1) (mis à part la notion de "Vous", pourquoi pas, et encore, c'est culturel). J'avais souligné, d'ailleurs, l'aspect insultant de l'utilisation du "il/elle" entre deux interlocuteurs à propos d'une tierce personne qui serait présente. Cela revient à nier son existence, en quelque sorte.
 
à +,
VS
 
(1) Sauf, bien sûr, erreur de ma part...


Message édité par vonstaubitz le 09-03-2006 à 22:09:21
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Marsh Posté le 09-03-2006 à 22:04:20    

Welkin a écrit :

A contrario, certaines idées qui pourraient nous sembler logiques n'apparaissent pas. Par exemple, on pourrait imaginer qu'une méthode naturelle de construire une négation serait d'inverser totalement l'ordre des mots d'une phrase. Pourtant, il n'existe aucune langue connue dans le monde utilisant un tel procédé. Est-ce que cela nous dit quelque chose sur notre cerveau ?


D'où la question inverse, tout aussi passionnante: quelle est l'influence de la structure du cerveau sur le langage?

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Marsh Posté le 09-03-2006 à 23:00:25    

On commence (grace aux IRMs et systemes similaires) a en avoir une certaine idée. Je crois qu'on s'est rendu compte que les "exceptions" grammaticales avaient droit a leur zone de stockage lexical particuliere, si j'ai bien compris certains articles.
On a pu aussi deduire de certains disfonctionnements cerebraux refletes dans le langage de patients d'autre éléments de cette influence (la disjonction entre les zones lexicales et semantiques, ie entre le signifiant et le signifié, par exemple).
A+,

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Marsh Posté le 10-03-2006 à 09:20:24    

vonstaubitz a écrit :

.  
[cigale et fourmi]
..


Dans ce cas, il me semble que ce qui est à l'oeuvre c'est plutôt la réthorique que le langage. Il serait possible d'imaginer l'histoire de la cigale et la fourmi mise en image, un dessin animé muet, et porteur du même message.
 
Le cas du Kärsher est plus intéressant. Il tire son impact de la force de l'image (le nettoyeur haute pression) et l'assimilation de certains personnes en la chose à nettoyer (la racaille). A ce niveau cependant, on touche à la sémiotique, c'est à dire les relations entre les signes et les sens, qui est un aspect essentiel de toute langue.
En effet, comme le souligne le linguiste André Martinet, le langage est structuré autour de ce qu'il nomme une "double articulation". La première articulation est en quelque sorte le niveau physique primaire la production des phonèmes. Ce sont les unités langagières de base, et elles sont dénuées de sens propre. La deuxième articulation est la capacité à combiner ces éléments en des mots qui sont eux chargés de sens. Cependant, le contenu sémiotique d'un mot reste parfaitement arbitraire : par exemple, le signifié associé à la séquence de son \so\ ne sera pas le même pour un anglopone que pour moi.
 
 
Si l'on revient au cas du Kärsher, voilà pourquoi je pense qu'il n'est pas correct de voir dans la force de l'expression de Sarkozy une illustration de l'influence du langage sur notre pensée. Plus prosaïquement, je pense qu'il faut y voir un problème de sémiotique.
 
 
AU passage, petit commentaire sur la question initiale pour ceux qui aiment lire :
On trouve dans la littérature des tentatives de mettre en situation Sapir-Whorf. Le plus connu est certainement "1984", avec la novlang. L'idée étant qu'en supprimant de la langue la possibilité d'exprimer les idées subversives, on prévient leur apparition. Un autre classique est "Les Langages de Pao" de J. Vance.

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Marsh Posté le 10-03-2006 à 09:35:47    

VS, quelques références qui peuvent t'intéresser, tu demandes si tu veux les versions complètes (ça vaut pour n'importe qui d'autre) :
 
Deux 'news and views' récents sur le sujet par nature (ce sont des pré-articles à l'attention des non-spécialistes censés donner au lecteur les moyens de comprendre les vrais articles qui suivent)
 
Le premier sur l'évolution du langage de manière générale :
http://www.nature.com/nature/journ [...] 4289a.html
Le second qui nous concerne plus sur l'influence du langage sur le comportement :
http://www.nature.com/cgi-taf/Dyna [...] ynoptions=
 
 
 
Et l'article concerné par ce dernier, où l'on raconte comment les enfants coréens et américains avant de savoir parler, à l'inverse de leurs homologues plus vieux, ont les même comportement, donc, a priori, les même 'standard de pensée' :
 
http://www.nature.com/nature/journ [...] 02634.html


Message édité par hephaestos le 10-03-2006 à 09:36:45
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