Il y aura dix ans dimanche éclatait en Belgique l'affaire du pédophile Marc Dutroux qui allait ébranler tout un pays et susciter une émotion bien au-delà des frontières du Royaume.
Aucune marche, aucun événement particulier n'est en principe prévu pour ce sinistre anniversaire.  
Même si la Belgique n'est prête à oublier ni la série de rapts,  
viols et morts d'enfants intervenus en réalité dès 1995, ni les errements, à l'époque, dans la conduite de l'enquête.
 

 
En témoigne l'émotion encore suscitée en juin dernier par la découverte des corps de deux fillettes, Stacy Lemmens, 7 ans, et Nathalie Mahy, 10 ans, dans un collecteur d'eau à Liège.
Confrontées à ce nouveau drame, très médiatisé comme l'avait été pour la première fois dans ce type de crimes l'affaire Dutroux, les autorités ont tout fait pour éviter de répéter les erreurs commises par l'appareil judiciaire dix ans plus tôt. Mais la population a redit sa colère face à des agressions sexuelles encore jugées insuffisamment punies.

 
Le principal suspect de l'enlèvement et du meurtre des deux fillettes, mais aussi du viol de Nathalie, Abdellah Ait Oud, toujours maintenu en détention préventive, est un pédophile récidiviste déjà auteur de plusieurs viols sur mineures.
Le traumatisme Dutroux reste encore vif en Belgique. Mais à l'extérieur du pays aussi, l'affaire a marqué les esprits au fer rouge.
 
"Il y a eu un avant et un après" Dutroux, estime l'expert psychiatre Roland Coutanceau.
 
L'affaire "a mis dans la scène publique, dans la tête de tout citoyen, la réalité de la pédophilie", explique-t-il. "Avant les gens savaient vaguement. Mais finalement ce sujet, peut-être parce qu'il choquait, n'était pas traité ouvertement" par les médias.
 
L'affaire Dutroux éclate avec son arrestation, le 13 août 1996, sur la base de l'immatriculation d'une fourgonnette aperçue quatre jours plus tôt sur les lieux du rapt d'une adolescente de 14 ans, Laetitia Delhez, près de Neufchâteau, dans le sud-est de la Belgique.
 
Deux jours plus tard, Laetitia est retrouvée vivante avec Sabine Dardenne, 12 ans, dans la cave d’une maison du pédophile à Marcinelle, à la périphérie de Charleroi (sud de Bruxelles).
 
Très vite, le pays plonge dans l'horreur, quand, le 17 août puis le 3 septembre, sont exhumés dans deux autres propriétés de Dutroux les corps de deux fillettes de 8 ans, Julie Lejeune et Melissa Russo, et de deux jeunes Flamandes, An Marchal (17 ans) et Eefje Lambrecks (19 ans), disparues un an plus tôt près de Liège et sur la côte flamande.
 
Les quatre victimes sont portées en terre lors de funérailles nationales, alors que l'opinion gronde d'apprendre que Dutroux, condamné à 13 ans et demi de prison en 1989 pour l'enlèvement et le viol de cinq mineurs, avait été libéré dès 1992.
 
La révélation que policiers et gendarmes le soupçonnaient depuis l’été 1995, et un engagement du procureur Michel Bourlet à éclaircir toute l'affaire "si on (le) laisse faire" alimentent la thèse d'un réseau pédophile protégé.
 
La situation explose quand le 14 octobre 1996, le juge Jean-Marc Connerotte, à l'origine de l'arrestation de Dutroux, est dessaisi pour un dîner partagé avec des proches de victimes. Une révolte populaire prend toute la Belgique, qui culminera avec une "Marche blanche" de 320.000 personnes à Bruxelles.
 

 
Le gouvernement de Jean-Luc Dehaene promet de réformer l'appareil policier et judiciaire. Mais le 23 avril 1998, la brève mais rocambolesque évasion de Dutroux coûtera finalement leurs postes aux ministres de la Justice et l'Intérieur, Stefaan De Clerck et Johan Vande Lanotte.
 
En juin 2004, après huit ans d'instruction et trois mois et demi de procès, Dutroux est reconnu coupable du rapt et du viol des six fillettes et adolescentes et de la mort de Julie, Melissa, An et Eefje. Il est condamné à la détention à perpétuité, assortie d'une clause empêchant toute libération anticipée.